Un outil interactif d’aide à la consultation des MG / Fiche 2 – La prévention
La prévention
La question de la santé sexuelle des PVVIH est d’autant plus importante aujourd’hui dans le contexte I=I (Indétectable-Intransmissible) puisque les traitements ARV permettent d’atteindre une charge virale indétectable et que les patients ne transmettent plus le virus. Il est dès lors important d’expliquer le concept I=I, de donner les conseils pour maintenir la charge virale indétectable, d’aborder les questions de sexualité (troubles sexuels, désir de grossesse, reprise d’une relation affective et sexuelle…) et de prévention des IST.
Pour certains patients, il est difficile de ré-envisager une vie sexuelle après plusieurs années sans relation affective et sexuelle et ayant été longtemps perçus comme les vecteurs de transmission du VIH.
Il est important d’évaluer avec le·la patient·e le niveau de connaissances et de compréhension en matière de prévention combinée. En effet, lors de focus groups et entretiens réalisés avec les PVVIH migrants, nous avons constaté que peu connaissaient la PrEP (Prophylaxie Pré-Exposition, proposé aux personnes séronégatives). Ils ont demandé d’être mieux informés sur la PrEP notamment pour leurs partenaires séronégatif·ves dans un couple sérodifférent.
Il est fréquent que derrière certaines plaintes de santé se trouvent parfois des problèmes plus profonds liés au parcours migratoire, au nouveau contexte culturel, des problèmes familiaux, sociaux, conjugaux, économiques… qui peuvent générer énormément de stress et une dégradation de l’état de santé. Par exemple, certaines personnes ne se retrouvent pas dans de bonnes conditions pour prendre correctement leur traitement (vie en collectivité, cacher son état de santé,…), ce qui les amènent parfois à interrompre leur traitement sans en avertir leur médecin généraliste.
Les problèmes de mutilations sexuelles dans certains pays, des violences sexuelles subies, de l’obligation de recours à la prostitution comme mode de survie, sont des autres motifs de non-ouverture au monde médical en raison de la culpabilité et de la peur du jugement.
Les thématiques à aborder
Il est important de rappeler aux personnes vivant avec le VIH qu’être indétectable (i=i) ne protège pas de la transmission des autres IST (chlamydia, syphilis…). Certaines IST sont asymptomatiques, d’où l’importance de se faire dépister. Certains symptômes liés à la présence d’une IST (tels que les écoulements vaginaux) n’incitent pas la personne à consulter immédiatement. Elle peut alors avoir recours à l’automédication et pratiquer des soins intimes avant d’aller voir le médecin.
→ Essayez de comprendre la perception que la personne a du risque d’être exposée à la transmission d’une IST en étant indétectable et voyez ensemble son niveau de connaissance et de compréhension en matière de prévention des IST.
Grâce aux progrès thérapeutiques ( i=i ), les PVVIH nourrissent des projets de parentalité. Certaines femmes vivant avec le VIH ont besoin d’aborder la question de la grossesse avec leur médecin afin de savoir si elles peuvent concevoir un enfant sans risquer de contaminer leur partenaire et leur bébé (pendant la grossesse ou à l’accouchement). Les femmes subissent parfois des pressions sociales et culturelles à devenir mères. Vivre avec le VIH ne les prive pas du désir d’enfant d’autant plus que grâce aux traitements ARV, les femmes séropositives peuvent concevoir sans risquer de contaminer leur partenaire (si elles sont indétectable i=i) et vivre une grossesse comme toutes les femmes et donner naissance à un bébé séronégatif. Les hommes séropositifs expriment également le désir d’avoir des enfants et veulent être informés et savoir s’ils peuvent concevoir sans risque d’infecter ni leur partenaire, ni l’enfant à naître…
→ Demandez à la personne si elle a un désir d’enfant, quels sont ses besoins d’information, sa situation de santé (i=i) et sa situation de couple.
- Pensez-vous à avoir un enfant ? Pouvons-nous en parler ensemble ?
- Avez-vous des questions concernant le suivi de grossesse, l’accouchement, le risque de contamination de votre partenaire ou de votre bébé ?
- Avez-vous des questions concernant les autres moyens de procréation en cas de difficulté de conception ?
- Avez-vous des craintes à ce propos ?
Certaines femmes migrantes sont confrontées à de multiples formes d’insécurité liées à des situations sexuelles à risque. Les femmes/les hommes qui n’ont pas de titre de séjour sont parfois exposé·es à des violences sexuelles après la migration. Il y a un lien entre l’infection par le VIH et les violences conjugales et/ou sexuelles. Certains hommes subissent aussi des violences et se retrouvent confrontés à des situations d’insécurité.
Hommes et femmes peuvent avoir subi de multiples violences sexuelles durant le parcours migratoire (viol, exploitation sexuelle…).
→ Tentez de comprendre et de vérifier si la personne est en situation de rapports sexuels forcés et si elle subit des violences, en ouvrant le dialogue sur ces questions.
→ Soyez vigilant·e aux signaux verbaux et physiques, voir si la personne est en situation de rapports sexuels forcés et si elle subit des violences.
Certaines femmes et hommes migrant·es sont confronté·es à de multiples formes d’insécurité liées à des situations sexuelles à risque. Les femmes qui n’ont pas de titre de séjour peuvent être exposées à des violences sexuelles après la migration. Il y a un lien entre l’infection par le VIH et les violences conjugales et des violences sexuelles
- Pouvons-nous aborder ensemble la relation avec votre partenaire ?
- Vous êtes-vous déjà senti·e en insécurité avec votre partenaire ?
- Vous êtes-vous déjà retrouvé·e dans une situation où vous vous sentiez forcé·e d’avoir des relations sexuelles ?
- Avez-vous déjà subi des violences (physiques et/ou psychologique) ? Voir le site de Ecoute Violence Conjugales
La problématique spécifique des Mutilations Génitales Féminines (MGF) est une question difficile à aborder avec un impact considérable sur la santé sexuelle.
Les mutilations génitales féminines font partie de la tradition de différents groupes de population en Afrique, Asie, dans le Moyen-Orient et en Amérique du Sud. Mais la pratique existe de plus en plus dans d’autres parties du monde, ce qui est dû aux migrations internationales.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit les mutilations génitales féminines (MGF) comme étant toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion des organes génitaux féminins pratiquée à des fins non thérapeutiques (WHO, 2008).
→ Ouvrez le dialogue
Pour cela, voici une liste de questions proposées par le Gams Belgique ASBL :
- Je voudrais encore vous demander quelque chose sur un sujet en lien avec le pays dont vous venez. Beaucoup de filles sont excisées au… [mentionner le pays d’origine].
- Vous en avez entendu parler ? Vous connaissez ? Que signifie l’excision pour vous ?
- J’ai appris que (certaines) femmes dans votre pays [nommer le pays d’origine] ont subi la tradition/ont été coupées et estiment que c’est important.
- Êtes-vous vous-même excisée ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Pouvez-vous m’en dire plus ?
Une possibilité est de vous appuyer sur la carte des prévalences dans le monde. - Mon/ma collègue a parlé avec vous de la situation de votre enfant et de votre famille. Nous venons d’aborder une série de sujets importants. Un autre sujet dont j’aimerais parler avec vous est celui de l’excision des filles.
- Est-il de tradition dans votre communauté de faire exciser les filles ?
→ D’autres outils peuvent également vous aider à identifier si la personne est concernée par les mutilations génitales féminines.
→ Plus d’informations sur les mutilations génitales féminines :
Certaines personnes vivant avec le VIH peuvent avoir recours à d’autres pratiques pour se soigner ou pour veiller à leur hygiène intime : compléments alimentaires, plantes et autres. Celles-ci sont susceptibles de présenter des interactions avec les traitements médicaux. Elles recourent aussi à des pratiques sexuelles qui peuvent présenter un certain risque tels le « Dry Sex » qui vise à avoir une sécheresse vaginale, le « Tie sex » qui vise à resserrer au maximum le vagin en utilisant des plantes et autres substances (sel d’alun, citron…) insérées dans le vagin. Ceci peut causer des micros-lésions et favoriser la transmission des IST et du VIH.
→ Une fois la relation de confiance bien installée, discutez avec la personne de ses pratiques pour se soigner ou de ses pratiques sexuelles (contexte, durée, fréquence de ces usages) et évaluez avec elle les risques d’exposition aux IST.
POINTS D’ATTENTION ET QUESTIONS
⇒ Abordez le concept de i=i tant du point de vue médical que psychologique et relationnel. Refaites le point sur la charge virale du patient :
- Votre spécialiste vous a déjà parlé de i = i ? Vous en avez déjà entendu parlé ?
- Connaissez-vous votre charge virale ?
- Qu’est-ce que cela implique pour votre sexualité ?
- Chez certaines personnes, les traitements jouent sur la sexualité, qu’en est-il pour vous ?
⇒ Essayez de comprendre quelle est la perception que votre patient·e a du risque d’être infecté·e par une IST. Souvent, les personnes ne pensent pas que leur partenaire est à risque d’une IST (« c’est une bonne personne », « je connais sa famille »,…) :
- Pour vous quelles sont les personnes qui sont à risque de transmettre une IST ?
- Pensez-vous qu’une personne qui n’a aucun signe de maladie peut transmettre une IST ?
- Est-ce que vous discutez des IST avec votre partenaire ?
- Pourquoi pensez-vous que votre partenaire n’est pas à risque ?
⇒ Évaluez ensemble le niveau de connaissances et de compréhension de votre patient·e en matière de prévention.
Par exemple, vérifiez si le ou la patient·e connait bien les différentes infections sexuellement transmissibles, leurs modes de transmission, les moyens de prévention mis en place et si il·elle se sent concerné·e :
- Pensez-vous qu’avoir une charge virale indétectable grâce aux traitement vous protège de toutes les IST ?
- Je vous pose la question comme vous êtes indétectable, comment vous protégez-vous des autres IST ?
⇒ Abordez avec la personne quelles sont ses pratiques d’hygiène intime
qui peuvent causer des micro-lésions et favoriser la transmission des IST et du VIH, évaluez avec la personne si ces pratiques représentent une prise de risque éventuelle :
→ Utilisez-vous des soins (comme des plantes ou autres) pour votre hygiène intime ?
→ Qu’est-ce-que vous utilisez comme soins ?
→ Pensez-vous que cela peut vous protéger contre les IST ou le VIH ?
→ Racontez-moi, j’aimerais comprendre et connaître…
⇒ Proposez un dépistage des IST
Discutez avec le·la patient·e sur la possibilité et l’intérêt d’informer le·la partenaire en cas de dépistage positif à une IST, analysez toutes les barrières et difficultés qui empêcheraient cette notification :
- Avez-vous des questions concernant les autres IST ?
- Pensez-vous pouvoir en parler avec votre partenaire, il est important que votre partenaire soit soigné·e ?
- Avez-vous peur de la réaction de votre partenaire ? Si vous lui parlez ?
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